Sans titre
Convoi du cardinal de Richelieu en Sorbonne
Ceux de qui tu craignais la rage
Cependant que tu gouvernais,
Dès que tu rendis les abois
En buvant un coup davantage,
Sans te faire aucun autre outrage
Et bien qu’ils pussent à leur choix
Jaser sans crainte d’être en cage,
La plupart à tes hauts exploits
Rendirent même quelque hommage.
Mais ceux que plus tu chérissais
Entre ton noble parentage,
N’étant pas contents du partage
Qu’en mourant tu leur délaissais,
A l’encontre du tripotage
Firent mille indignes abois.
Mais ce n’est qu’un pur badinage
Que d’en tenir tant de langage.
Ils maudirent cent mille fois
Ta faveur et ton héritage,
Puis se prenant d’un fier courage
A menacer du bout des doigts
Cuidèrent faire un grand carnage
Qui fut apaisé toutefois.
Enfin comme l’ordre et l’usage
Qu’on doit observer aux convois
Et même de toi qui méritais
Cérémonie à triple étage,
Se montrèrent si discourtois
Qu’en un chariot de bagage,
Ainsi qu’un sac rempli de pois,
Te mirent avec ton image,
Et comme un loup en garouage,
Sans comparaison toutefois,
En un frère à la Rose-Croix,
La nuit leur prêtant son ombrage,
Passant sur un pont non de bois,
Te menèrent pour tout potage
En l’hôtel des divines lois.
Adonques, se dit un bourgeois,
Voici un moult bel enterrage
Pour le demi-dieu des François.
Pensez, que son chien de lignage
Pour un deuil de plus haut parage
Craint de dépenser un tournois.
Ha ! quel scandale au voisinage,
Dit Maurice, bon vieux Gaulois,
Quoi ! qu’on n’entende aucune voix
Prier pour ce grand personnage ?
Un calviniste, un vaudois
N’aurait moindre menu suffrage.
Lors un bon homme de village
Y voulant fourrer son minois,
Dit : ma femme, c’est grand dommage
Que cette noblesse sauvage
Qui veut descendre de nos rois
Et qui n’entend que son patois,
Ne fasse le même voyage
Que leur parent le plus courtois
Que l’on ait connu de notre âge1 .
- 1Voir *0323
Tableau de la vie de Richelieu, p155-57 - BHVP, MS 555, f°25v-26r