Sans titre
Te voilà donc, pauvre Louis
Dans un cercueil à Saint-Denis !
C’est là que la grandeur expire.
Depuis longtemps, s’il faut le dire,
Inhabile à donner la loi,
Tu portais le vain nom de Roi,
Sous la tutelle et sous l’empire
Des tyrans qui régnaient pour toi.
Etais-tu bon ? C’est un problème
Qu’on peut résoudre à peu de frais ;
Un bon prince ne fit jamais
Le malheur d’un peuple qui l’aime ;
Car on ne peut appeler bon
Un roi sans frein et sans raison,
Qui ne vécut que pour lui-même.
Voluptueux, peu délicat,
Inappliqué par habitude,
On sait qu’étranger à l’Etat,
Le plaisir fit ta seule étude.
Un intérêt vil en tout point
Maîtrisait ton âme apathique
Et le pur sang d’un peuple étique
Entretenait ton embonpoint.
On te vit souvent à l’école
De plus d’un fourbe accrédité,
Au mépris de ta majesté,
Te faire un jeu de ta parole ;
Au milieu même de la paix,
Sur l’art de tromper tes sujets
Fonder ton unique ressource
Et préférer dans tes projets
A l’amour de tous les Français
Le plaisir de vider leur bourse.
Tu riais de leur triste sort,
Et, riche par leur indigence,
Pour mieux remplir ton coffre-fort
Tu vendais le pain de la France.
Tes serviteurs, mourant de faim,
A ta pitié s’offraient en vain ;
Leurs plaintes n’étaient point admises.
L’infortune avait beau crier :
Prendre tout et ne rien payer
Fut ta véritable devise.
Docile élève des cagots,
En pillant de toutes manières,
Quoique parmi les indévots
Tu disais pourtant tes prières.
Des sages ennemi secret,
Sans goût, sans mœurs et sans lumières,
En trois mots voilà ton portrait.
Faible, timide, peu sincère,
Et caressant plus que jamais
Quiconque avait pu te déplaire,
Au moment que de ta colère
Il allait ressentir les traits :
Voilà, je crois ton caractère.
Ami des propos libertins,
Buveur fameux et roi célèbre
Par la chasse et par les catins :
Voilà ton oraison funèbre1 .
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Raunié, VIII, 313-16