Sans titre
Tous ces flambeaux qui sur ma tombe
Reluisent après mon trépas,
Ne sauraient m’éclairer là-bas,
Moins empêcher que je ne tombe
In tenebras exteriores, ubi est fletus
Et stridor dentium1 .
Pourquoi cette pompe funèbre ?
Je ne suis plus cet Éminent.
À quoi me sert maintenant
Tant de messes quel’on célèbre ?
Non est, qui requirat animam mean.
Vos chants sont des chants de cigale
Qui font un inutile bruit
Et ne produisent aucun fruit.
Comme un autre Héliogabale
Justo Dei judicio condemnatus sum2 .
J’ai vécu d’une étrange mode.
Combien de Français sont témoins
Que j’ai fait verser pour le moins
Autant de sang que fit Hérode !
Sanguis ejus super nos et super filios nostros
Ha ! que mon sort est déplorable !
Maudite soit l’ambition !
Je sens qu’à ma confusion
Par un arrêt irrévocable
Vindicavit Dominus in die furoris fui.
Vous, parents que l’honneur aveugle,
Détestant mon adversité,
Restituez par charité
Le sang que j’ai tiré du peuple.
Non remittitur peccatum, nisi restituatur ablatum.
Deux enfants te restent pour gage
De notre commune amitié ;
Ma Combalet prends en pitié
Ils font dans l’Ile de brouage.
Pupilli facti sunt absque Patre
Et mater eorum facta est vidua.
Amis, cessez vos chants stériles
Et retournez en vos maisons,
Car Dieu n’entend point mes raisons ;
Vos prières sont inutiles.
Quia ex inferno nulla est redemptio.
Tableau de la vie de Richelieu, p.157-19