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Mort de Louis XIV

     Mort de Louis XIV

Ce puissant roi et prince illustre,

Entreprenant, audacieux,

Est mort dans son septième lustre

Tant pis, tant mieux.

 

Peut-être que la Providence

Ne l’a laissé régner si vieux

Que pour dompter notre indolence.

Tant pis, tant mieux.

 

Princes et grands que leur naissance

Rend fiers, hautains et glorieux

Tremblaient, rampant sous sa puissance.

Tant pis, tant mieux.

 

Savants comme gens inutiles,

Traités d’un air injurieux,

Fuyaient la cour, ornaient la ville.

Tant pis, tant mieux.

 

Il a pourtant porté la guerre,

Presque toujours victorieux.

Sa mort rend le calme à la terre.

Tant pis, tant mieux.

 

Il a foudroyé l’hérésie

Et sous ce voile spécieux

Il a semé l’hypocrisie.

Tant pis, tant mieux.

 

Les faux dévots, fiers de son Louvre,

En bannissaient les vrais pieux.

Dieu pour le punir les découvre.

Tant pis, tant mieux.

 

La France par lui gouvernée

S’est fait partout des envieux.

Croyant l’accroître, il l’a ruinée.

Tant pis, tant mieux.

 

Les édits mis au jour sans nombre,

La plupart, édits odieux,

Seront muets et mis à l’ombre.

Tant pis, tant mieux.

 

Sous son règne la France en proie

Aux maltôtiers pernicieux

Leur voit rendre gorge avec joie.

Tant pis, tant mieux.

 

Leurs vols qui nous mettaient en risque

De languir, tous ignominieux,

Grossiraient les trésors du fisque.

Tant pis, tant mieux.

 

Les impôts et vols détestables

Inventés par des furieux

Deviendront doux et plus traitables.

Tant pis, tant mieux.

 

Nos anciennes lois renversées

Réclamaient le secours des dieux.

Nos oppressions sont passées.

Tant pis, tant mieux.

 

L’illustre auteur de la misère

Était élevé jusqu’aux cieux.

Depuis sa mort tout le contraire.

Tant pis, tant mieux.

 

L’excès de sa magnificence

Éblouissait les faibles yeux

Ornait et désolait la France.

Tant pis, tant mieux.

 

Il n’a pas été sanguinaire

Comme quelques-uns de ses aïeux.

C’est qu’on n’a cherché qu’à lui plaire.

Tant pis, tant mieux.

 

Sa mort, d’un testament suivie,

Rejeté comme captieux,

Aurait fait regretter sa vie.

Tant pis, tant mieux.

 

Il nous laisse un roi de bas âge,

Occasion aux factieux,

Mais il nous donne un régent sage.

Tant pis, tant mieux.

 

Dieu nous donne un prince économe,

Spirituel, judicieux,

Qui rétablira le royaume.

Tant pis, tant mieux.

 

Il soulagera les provinces,

Aimera les gens studieux,

Soutiendra les droits de nos princes.

Tant pis, tant mieux.

 

Nous allons voir sous la Régence

La France enfin d’un air joyeux

Redevenir encor la France.

Tant pis, tant mieux.

 

Louis dans sa jeunesse extrême

Instruit d’exemples précieux

Ne laisse de son règne attendre

Que des tant mieux.

 

Le refrain de ce vaudeville,

Trouvé peut-être ennuyeux,

Fera retentir par la ville

Tant pis, tant mieux.

 

Si quelque part ce tant pis blesse

Un politique sérieux,

Je consens qu’il l’ôte et ne laisse

Que des tant mieux.

 

La cour que je ne connais guère

Est un pays mystérieux,

Ce n’est pas où les cœurs sincères

S’aiment le mieux.

 

Qui voudra la suivre la suive,

Jamais je n’en fus envieux.

Je vis, et pourvu que je vive,

Je dis tant mieux.

 

Qui trouve quelqu’amis fidèles

Dans ce séjour si fastueux,

S’il y répond avec zèle

Tant pis, tant mieux.

 

La plus vertueuse maîtresse

Dans ces palais délicieux

Souvent n’est pas une tigresse.

Tant pis, tant mieux.

 

Mai j’aperçois que j’importune

Par mes vingt-neuf rimes en ieux.

Si je n’en eusse pas fait une,

C’eût été mieux1 .

 

  • 1Voir $1646

Numéro
1088


Année
1715


Personnalité
Louis XIV (1638-1715), roi de France


Nombre de vers
29 x 4

Métrique
Octosyllabe

Finalité
Critique


Références

Raunié, I, 60