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Les adieux de Louis XIV

Les adieux de Louis XIV

Enfin Louis le Grand est mort,

La Parque a fait un noble effort,

Oh reguingué ! oh lon lan là !

Elle vient de trancher sa vie.

Toute l’Europe en est ravie.

 

Sentant son heure s’approcher ;

Les grands il envoya chercher,

Puis après, sans cérémonie,

Dit ces mots à la compagnie :

 

Je vais rejoindre mes parents,

Qui m’attendent depuis longtemps.

Je voudrais avant ce voyage

Détruire ici leur héritage.

 

Adieu, reine de Maintenon,

Autrefois veuve de Scarron,

Vos conseils et votre prudence

Mériteraient bien la régence.

 

Recevez mes embrassements,

Dauphin, mais dans fort peu de temps

Je vous attends sur le rivage ;

Philippe aura soin du voyage.

 

Adieu, mon neveu d’Orléans,

Vous avez de si grands talents

Pour succéder à ma couronne

Que déjà je vous l’abandonne.

 

Pardonnez-moi, ma belle sœur ;

Vous avez encor sur le cœur

D’une bâtarde l’alliance ;

N’est-elle pas du sang de France ?

 

Adieu, duchesse de Berry,

Il vous faudrait un bon mari

Pour soutenir votre dépense ;

Prenez parti dans la finance.

 

Adieu, nouveaux princes du sang

Que je fis à la Montespan ;

Mais étais-je seul à les faire ?

N’auriez-vous point eu plus d’un père ?

 

Trois dauphins vous ont éprouvés,

Pour votre gloire est-ce assez,

Sinon voici le quatrième ;

Agissez avec lui de même.

 

Tâchez de conserver le nom,

Le glorieux nom de Bourbon.

Prenez garde qu’un téméraire

De d’Antin ne vous fasse frères.

 

Pour vous j’ai renversé les lois ;

C’est le privilège des rois.

J’en jouissais en assurance

Plus qu’aucun autre roi de France.

 

Et pour vous, prince de Condé,

Vous n’êtes qu’un prince hasardé,

Henri Quatre, mon cher grand-père,

Connaissait bien tout ce mystère.

 

Vous, bossu prince de Conti,

Du même endroit êtes sorti.

Admirez la haute naissance

De ces princes du sang de France.

 

Adieu, docile parlement,

A qui j’ai donné fort souvent,

Pour récompenser ses suffrages,

Tant d’augmentation de gages.

 

J’aurais mal fait pour mes projets

De faire pendre Desmarets.

Mon neveu, ne vous en défaites

Tant qu’il restera quelques dettes.

 

Dévot clergé, prélats françois

Soyez toujours soumis aux rois,

Aux dépens de vos consciences ;

Vous en aurez la récompense.

 

Très sainte Constitution,

Que je crois sans restriction,

Je ne sais pourtant qui l’a faite

Du pape ou du diable en cachette.

 

Adieu, jansénisme maudit.

Desmarets, qu’on fasse un édit

Pour en purger toute la terre ;

Je vais le porter à saint Pierre.

 

Père Tellier, ne craignez rien.

Je vous le dis, tout ira bien.

Votre doctrine est trop commode

Pour n’être pas toujours de mode.

 

Je meurs, je vas en paradis,

Vous me l’avez toujours promis,

Oh reguingué ! oh lon lan là !

Saint Ignace est en sentinelle,

Je l’entends et vois qu’il m’appelle1 .

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Numéro
1056


Année
1715


Personnalité
Louis XIV (1638-1715), roi de France


Nombre de vers
22 x 4

Métrique
Octosyllabe

Finalité
Critique


Références

Raunié, I, 17-22